C’est l’odeur de thé qui m’a guidé jusqu’à chez Alexia. Je sonne à la porte et elle m’ouvre emmitouflée jusqu’aux oreilles dans un plaid en pilou. Elle m’invite à m’asseoir dans son canapé et me propose des langues de chat, des biscuits aux amandes, des lunettes à la confiture, des rochers cocos, des sablés au citron, des boudoirs et des cigarettes russes pour accompagner le thé tchai qu’elle nous sert dans des mugs floqués “Je suis une bonne improvisatrice”.

[I] Bonjour Alexia, comment vas-tu ?
[A] Bien bien, je suis sur mon canapé avec une tasse de thé, je suis zen et relax.
[I] Alors dis-moi, C’est quoi ta première expérience de scène ?
[A] [bois une gorgée de thé] C’était il y a déjà 7 ans, pour une pièce de fin d’année de cours de théâtre. La pièce était écrite par notre prof et on jouait des personnages de jeux vidéos après un bug, j’étais la princesse Peach, j’ai cherché Mario avec Lara Croft, des Pokemon et un Sim … C’était vraiment très drôle, avec des partenaires en or. Pour une première c’était vraiment idéal. Et cerise sur le gâteau, avoir joué la princesse Peach ça aide à draguer des geeks à moustache, et ça donne des idées de duo 2.0 [regard malicieux]
[I] Euh oui j’ai une moustache mais je ne suis pas geek, on se calme … Et comment on passe de Peach à l’impro ?
[A] Au bout de 2 ans de théâtre j’ai fait un stage découverte de l’impro. Ça a semé une petite graine mais j’avais encore envie d’explorer le théâtre plus classique, je ne me sentais pas encore assez en confiance pour l’impro. C’est difficile à croire quand on me voit aujourd’hui mais au départ, j’ai fait du théâtre parce que j’étais timide et pas sûre de moi, donc l’impro c’était encore trop pour moi. J’ai donc commencé l’année d’après, en 2014, et ça a été le coup de foudre, tout est allé très vite, j’ai enchaîné les stages et les rencontres, un pur bonheur !
[I] La rencontre avec le Comptoir de l’Imaginaire aussi c’est du bonheur ?
[A] Intégrer le Comptoir, c’est un peu le résultat de toutes ces rencontres (catch, Calice, 14h d’impro de la TTI …). Cette troupe, c’est la jeunesse, la fougue, une énergie débordante ! Je sais que ça ne se voit pas mais je suis quasiment la doyenne de la troupe, et ça fait du bien d’être immergée dans ce groupe. Un peu comme un élixir de jouvence [rire]
[I] Non je confirme ça ne se voit pas. Qu’est-ce que tu aimes particulièrement dans Et Si ?
[A] Ah ! Et si ! J’adoooore ce concept ! Le mélange de scènes courtes et d’une histoire plus longue, ça me permet de jouer sur différents tableaux et j’adore ça, ça permet d’exploiter toutes ses facettes c’est très épanouissant. Cerise sur le gâteau (oui j’utilise beaucoup cette expression désuète, désuet est lui même un mot désuet, j’assume mon côté old school), à travers les univers qu’on crée, il arrive très souvent qu’on fasse émerger des sujets de société. Et on dirait pas comme ça, mais je suis très engagée, notamment contre les injustices. Et contre la guerre aussi mais c’est une forme d’injustice.

[I] Oui je pense que personne ne te contredira. Et si tu devais proposer un Et si ce serait quoi et pourquoi ?
[A] Et si on avait un revenu universel de base ? C’est plutôt une proposition de nouveau système économique qu’une vraie proposition de spectacle. Et c’est un questionnement très personnel parce que je prend de mon temps pour répondre à cette interview, donc je ne gagne pas d’argent pendant ce temps. Et ça rejoint ma lutte contre les injustices. Bim, je fais des liens de ouf entre mes réponses !
[I] Super, merci de faire mon taf [rires]. Deuxième format, Timeline, qu’est-ce que tu aimes particulièrement dans Timeline ?
[A] Timeline permet une exploration de personnages face à de grands changements de l’histoire. Encore une fois, on peut y faire la critique de notre propre système, de nos propres failles d’être humain. C’est l’occasion de se demander ce qu’on aurait fait dans des situations comme l’Occupation. Moi par exemple, j’aurai été collabo. On dirait pas comme ça mais je suis très lâche.
[I] Est-ce qu’il y a une époque qui te passionne particulièrement ?
[A] J’aime beaucoup le côté ésotérique du moyen âge mais en tant que femme, on m’aurait envoyée au bûcher. L’antiquité grecque est très sympa. J’aime beaucoup leur mythologie mais pareil, ça doit pas être confort d’être une femme à cette époque. À moins d’être une déesse … On pourrait aussi aller dans le futur et voir si les femmes y sont mieux traitées. On dirait pas comme ça, mais je suis féministe. Parce que c’est une forme d’injustice et que j’aime pas les injustices.
[I] Troisième et dernier format, qu’est-ce que tu aimes particulièrement dans Directors ?
[A] Pour moi c’est un peu plus compliqué. Quand je joue, je vis la scène je ne me pose pas de question, encore moins quand quelqu’un la dirige. Mais être à l’extérieur de la scène et la diriger, c’est nouveau pour moi et c’est un vrai challenge. On dirait pas comme ça, mais j’adore les challenges, donc c’est un vrai bonheur de jouer ce spectacle et d’explorer cette nouvelle facette de l’improvisation.
[I] As-tu un réalisateur préféré, qui t’inspire ?
[A] J’aime beaucoup Klapisch et ses films chorale. Une succession de petites histoires qui forment un plus grand tableau avec un fil conducteur qui se dessine. Je trouve ça très fort. J’aime aussi beaucoup les films (et séries ❤) de Joss Wedon. Il a une capacité incroyable à faire exister un groupe et les différentes relations qui le sous tendent. Le groupe est un personnage à lui tout seul et je trouve ça très beau. Bon, je suis plus sensible à l’écriture qu’à la réalisation à proprement parler…
[I] Et t’aurais aimé jouer un de ces rôles ?
[A] Mais carrément ! Buffy par exemple, ou River dans Firefox. On dirait pas comme ça, mais j’adorerai me battre comme ces meufs [boit du thé].
[I] Bon, entre nous, si tu devais choisir un seul de ces trois concepts, ce serait lequel ?
[A] Et si.
[I] Ah ben au moins c’est clair !
[A] Parce qu’il n’y a pas à choisir entre forme courte ou longue. Parce qu’on peut y afficher ses engagements. Parce que j’aime bien les univers parallèles différents mais pas tant que ça.
[I] Allez, dernière question sérieuse après j’arrête de reprendre des gâteaux [rires] , c’est quoi tes envies du moment en impro ?
[A] J’ai très envie de lâcher prise (ou laisser faire comme le dit Nabla dans son livre la fabuleuse science de l’imprévu #placementdeproduit) et de m’amuser. J’ai envie de continuer à explorer les formats qu’on joue, à essayer de se laisser encore plus porter par l’imprévu et la spontanéité.
[I] Une lecture que je recommande aussi ! Un petit mot pour la fin, une résolution pour 2019 ?
[A] Ma résolution c’est de réduire encore plus mon empreinte écologique. Ah oui, on dirait pas comme ça mais j’aime la nature ! Bonne année ! [trinque avec sa tasse de thé]
[I] Je t’encourage à 200% ! Hé ben écoute Alexia, merci pour ce moment passé en ta compagnie ! Non c’est bon je veux pas reprendre des biscuits, non je veux pas non plus un thermos de thé, oui, non bien vrai, merci pour tout en tout cas !
C’est finalement les poches remplies de biscuits que je sors de chez Alexia. Le soleil brille désormais dans le ciel lyonnais, il fait trop chaud pour mon imper, je le mets sur mon épaule et je sors de ce hall d’immeuble que je vais retrouver bien vite si j’en crois ma feuille de route …