Aujourd’hui j’ai rendez-vous chez Clément Bellot pour poursuivre ma série d’interview des membres du Comptoir de l’Imaginaire. Tel le dandy qu’il est, il m’ouvre en costume de tweed, un foulard en guise de cravate et canne à pommeau.

[I] Bonjour Bellot, comment ça va ?
[B] Alors déjà tu me tutoies pas, tu es un pseudo-journaliste, on a pas gardé les cochons ensemble. Nanmého, hein, ça va bien, le profiling et tout et tout, genre tu sais où j’habite et quelle marque de slips je porte, et ça y est on est poteaux. Je ne serai pas une victime de votre système. Alors tu vas faire ça bien, tu prends deux minutes, tu me payes un café, ou du thé sinon j’ai mal à la tête, on discutera ensemble, tu me parleras un peu de toi, de comment ça fait de rencontrer plein de monde, tout ça, on rigolera, on oubliera un instant la vicissitude de nos quotidiens autour de ces instants volés à la nuit et si ça se passe bien tu pourras me raccompagner chez moi, peut être on passera la nuit ensemble, ça dépend, en tout cas je ne couche pas le premier soir, tu dors pas avec les pieds qui sortent du fond lit j’espère, au fait mes slips c’est du Undiz, ils me font –10% sur les prochains achats si je le mentionne à deux copains, et comme on est plus copains maintenant, je pense que ça compte. Prends des pantoufles, le sol est froid, oh tu as ramené les croissants, c’est gentil, ah tu dois filer, tu es un journaliste très occupé, pas de soucis. On se revoit bientôt de toute façon, tiens prends mon num, je sors pas te raccompagner je suis en peignoir. Au revoir intervieweur, c’était une bonne soirée, quel chic type ce gars quand même, on croirait pas comme ça mais il est très sensible ce type. Bon j’en étais où moi… Ah oui, répondre à ta question, ça va très bien merci.
[I] Bon … très bien. Euh sinon ta première scène c’était quoi
[B] De tous temps l’impro a été une discipline tournant de plus en plus autour de thématiques structurantes et fortes, comme les enjeux sociétaux, la mixité sociale et le Clément Bellot. Le courant Clément Bellot a commencé il y a environ huit ans lors de ces évènements théâtraux de l’INSA de Lyon (pléonasme) nommés le « Match des Petits ». C’est là qu’une révélation aura lieu pour le plancher de la Rotonde : Elle l’avait déjà vu. Cette espèce d’individu chevelu (si,si, il y a des photos qui le prouvent) descendait du courant alternatif Ragdaesque, dans lequel il avait participé à des sketches de remplissage entre deux scènes de danse. Dès ce jour apparaîtra la dualité Clément théâtreux, Bellot Impro, caractérisée par une capillarité déclinante inversement proportionnelle à son expérience de la scène. Mon coiffeur m’a dit d’arrêter. Il m’a dit que c’était foutu. Foutu pour foutu, je continue.

[I] Puisses-tu un jour être chauve alors. Comment ça t’es venu de te mettre à l’impro ?
[B] J’ai squatté. J’ai squatté des matchs pour l’orga, le bureau pour les points Pigeon ™, puis les ateliers pour voir les vieux de l’impro, puis un jour je me suis dit qu’il fallait que je m’y mette. Paf je me suis mis. Non, vous garderez pas ça dans la version finale. Je m’y suis mis. C’est mieux, c’est plus tout public. Je ne sais pas, ça semblait rigolo, mes copains étaient dedans, j’avais déjà fait un peu de scène, et puis je me suis surtout rendu compte que j’adorais la scène lors de mes premières expériences. Du coup j’y suis retourné pour voir. Ça fait six ans et je continue. Il y a des spectacles avec, des spectacles sans, mais je m’amuse toujours autant.
[I] Et le Comptoir de l’Imaginaire dans tout ça ?
[B] C’est amusant cette troupe. C’est à la fois la continuité des copains de l’INSA de l’impro, et à la fois pas du tout parce qu’on a pas forcément fait impro ensemble. C’est à la fois un groupe relax amateur, et une troupe qui est suffisamment sur la même longueur d’onde pour avoir un potentiel de folie. C’est du potentiel en cours de réalisation en tout cas, au fur et à mesure qu’on découvre les salles, les autres improvisateurs lyonnais, nos spectacles, etc. Et qu’on devient meilleurs aussi. Parce que sans exagérer, on progresse pas mal.
[I] Et pourtant vos spectacles sont déjà très sympas ! D’ailleurs si on commençait à parler des spectacles ? Qu’est-ce que tu aimes dans Et Si ?
[B] La morale. Le reflet du monde qu’on renvoie quand le spectacle est réussi, le fait que ça puisse ouvrir à des discussions. Le fait que le spectacle soit complétement barré en termes de principe : si pour le public des propositions semblent connes, c’est probablement aussi con à jouer pour nous. Et ça marche bien. Il a un potentiel de fou à partir de ces ingrédients simples.
[I] Il y a un Et Si que tu voudrais proposer ?
[B] Et si l’écriture n’avait jamais été inventée est LE « Et Si » de folie avec une proposition qui bouleverse tout. Pour moi quand on aura joué celui ci en le réussissant on pourra arrêter le concept.
[I] Mais si c’est le dernier ça va être triste [snif] bon passons. Qu’est-ce que tu aimes dans Timeline ?
[B] Pouvoir jouer des choses précises. Le sentiment d’avoir un « plancher » par rapport aux chutes libres que tu t’imposes en impro sur un format complètement libre. Pouvoir être précis. Pouvoir faire croire en l’époque. La variété des spectacles possibles.

[I] Est-ce qu’il y a une époque qui te passionne particulièrement ?
[B] En vrai en y réfléchissant dix secondes, non. Toutes les époques m’intéressent car je suis une bille absolue en histoire, et le concept permet de retrouver plein de pépites d’information rigolotes sur l’époque qu’on aurait jamais réalisés sinon.
[I] Et tu aurais aimé y vivre ?
[B] Moyen Age : Vous êtes mort de la peste noire.
Renaissance : Vous êtes mort d’une infection d’une blessure de duel.
Préhistoire : Vous êtes mort écrasé par un caca de mammouth.
Grèce antique : Vous êtes mort tué par un spartiate. Ca vous apprendra à être un métèque. Sale métèque.
18ème siècle : Vous êtes mort dans une explosion de gaz minier. COUP DE GRISOU !
…
Dans l’ensemble je ne suis pas assez doué de mes dix doigts pour avoir eu une espérance de vie de plus de quinze ans dans toute autre époque que le 21ème siècle je pense.
[I] Qu’est-ce que tu aimes particulièrement dans votre troisième et dernier format : Directors
[B] Avoir un chapeau.
[I] As-tu un réalisateur préféré, un qui t’inspire ?
[B] Edgar Wright. Edgar. Motherf**ing. Wright. Cet homme est un génie. Sa réalisation raconte dix fois ce que ses personnages racontent. Il est drôle. Il a une vision et un découpage qui amplifient et parodient les codes des films qu’il reprend. Et c’est intelligent.
Les scènes de planification dans Shaun of the Dead, la fusillade de Hot Fuzz, la scène d’ouverture de Baby Driver. Whatever. J’adore ce type.
[I] Et t’aurais aimé jouer un de ces rôles ?
[B] Non. Par contre, j’aurais adoré voir à quoi ressemble une journée de tournage avec Edgar Wright.
[I] Bon et entre nous, si tu devais choisir un seul de ces trois concepts, ce serait lequel ?
[B] Non, c’est mort. On a choisi de faire ces trois concepts parce qu’ils travaillaient différents aspects de l’impro et j’avais envie de tous les explorer. Je ne me choisis pas un doigt préféré de ma main droite.
[I] Non mais il faut répondre à mes questions sinon on va pas s’en sortir
[B] Le majeur. Mais chuuuuuuuuuuut.
[I] Et bien merci Bellot pour cette information sensible qui saura ravir les plus fervents admirateurs du Comptoir de l’Imaginaire. Un petit mot pour conclure ?
[B] Poireau !
C’est sur ce mot finalement énigmatique que je quitte Clément. Je range mon calepin, remonte mon col et file dans la froidure extérieure à la rencontre de mon prochain improvisateur qui sera peut-être cette fois une improvisatrice.